Présentation

Une séance à l’atelier…:

Sur ma peinture…: Ma Peinture est Espace !

Elle est espace d’incarnation, de sublimation, de réflexion, de dialogue…

Ma peinture est Espace d’incarnation. Incarnation du geste et de la sensualité. Elle est physique dans tous les sens du terme, La dimension, l’échelle, l’épaisseur, la profondeur, le « cadre » donnent la mesure et structurent autant la séance de travail que le tableau luimême. Celui-ci est le résultat d’une action, d’un moment. Ainsi, le geste qui se développe dans l’espace de l’atelier s’incarne physiquement dans l’espace pictural. L’énergie prends forme plastiquement. Cette incarnation se fait métaphore de la chair. Les couleurs, les outils, les supports souvent techniques et industriels, parlent du désir et de ses tiraillements. L’apparente froideur des surfaces contraste avec la richesse des matières (ou leur illusion), et cette froideur qui semble nous maintenir à distance, n’a qu’un but : attiser le désir. Ainsi ma peinture assume son pouvoir de séduction. Elle recherche le beau, voire la somptuosité. Une somptuosité inaccessible et donc perpétuellement désirable.

Ma peinture est Espace de sublimation. Le désordre du monde, les difficultés de l’existence, y sont transcendées par un dialogue permanent entre Hasard et Maîtrise. L’engagement physique au cours de la séance de peinture, l’action, le geste, convoquent le chaos et provoquent la chance. La pulsion vitale et créatrice envahit le corps et l’esprit. La main ordonne les matières et les couleurs qui glissent sur des surfaces aussi répulsives que le métal ou le PVC. Le geste et la pensée, indissociables, nourris l’un de l’autre, sont lancés dans une même quête de transcendance: donner vie et profondeur à la surface du tableau. La faire palpiter, rayonner d’harmonie et d’intensité.

Ma peinture est espace de réflexion. Pratiquer l’abstraction permet en apparence d’éviter la question du sujet, de la représentation. Cet évitement est une illusion, (de fait un déplacement). Le sujet c’est la peinture en elle-même. Une peinture positionnée dans l’espace et dans le temps, questionnant inlassablement les acquis de la modernité et la pertinence du choix du médium. En effet, la pluralité des approches possibles dans notre monde contemporain oblige chaque artiste à se positionner, et à assumer (ou non) l’héritage de l’histoire. La disparition progressive de toute matière dans mes tableaux est d’ailleurs un moyen évident de poursuivre la longue histoire de l’abstraction, mais avec une approche distanciée, sans pathos. Elle renvoie à la dématérialisation des images qui nous entourent. Si Esthétique et Formalisme sont deux choses bien distinctes, Abstraction et Déni du réel ne sauraient se confondre.

Ma peinture est encore Espace. Espace de dialogue avec le monde et le spectateur. De tableau en tableau, à l’intérieur d’une même œuvre, les allers-retours permanents entre infiniment grand et infiniment petit, macrocosme et microcosme, organique et structure, brouillent les possibilités d’interprétation. La nature exacte de ce qui est donné à voir pose question. Géographies ? Cartographies ? Constellations… ? Une conversation s’engage alors entre le tableau et le spectateur. Une conversation intime, dans laquelle l’intuition, la culture, la sensibilité du spectateur, interagissent avec l’œuvre pour susciter l’émotion et offrir à chacun la possibilité d’une interprétation différente. Une interprétation d’ailleurs changeante, évolutive.

Si l’image est une représentation, ma peinture n’est donc pas une image. Ni même l’image d’une image comme pourrait le laisser penser le traitement des bords de nombre de mes tableaux. Au risque de l’ambiguïté, elle ne propose pas de réponse univoque. Elle est champ d’exploration, espace de tous les possibles.

Sylvain Polony

Crédit photo Nathalie Tiennot